Historique

Historique du Casino et des salles de spectacle de Spa

On jouait à Spa, de façon presque officielle, depuis le milieu du XVIIIe siècle au « Cornet » principalement, un établissement tenu par l’Irlandais Alexandre HAY, mais aussi dans tous les tripots du bourg.

C’est suite à deux privilèges du Prince Evêque (Spa faisant partie de la Principauté de Liège) de 1762 à 1763, accordant à Spa le droit de construire deux salles d’assemblée, l’une pour le bal, l’autre pour le jeu, que l’architecte liégeois, Barthélemy DIGNEFFE, auteur également du Grand Hôtel devenu notre Hôtel de Ville, construisit la Redoute, l’ancêtre du Casino actuel. La municipalité craignant de ne pas récupérer les frais engagés, transmit privilèges et gestion à une société privée composée de notables de la région.

Ce Casino, qui connut des agrandissements successifs au XVIIIe siècle (nouveau théâtre en 1769, salle de bal en 1770, nouvelle façade en 1785) développa à un point si remarquable la prospérité de Spa que l’Empereur Joseph II put appeler notre bourg « le Café de l’Europe », lors de sa venue en 1781. Ce succès amena d’ailleurs en 1770 la construction d’une deuxième salle de jeu, le Waux Hall, toujours existant, et même d’une troisième salle, le Salon Levoz, en 1785, cause de la célèbre « Querelle des Jeux de Spa » qui conduisit à la Révolution liégeoise de 1789.

La Révolution française et l’Empire napoléonien ne furent guère favorables au tourisme spadois (un vaste incendie brûla en 1807 un tiers des maisons de la ville) qui commença à se redévelopper dès les années 1820 sous le régime hollandais.

A partir de 1830, le Casino retrouva sa prospérité d’antan sous la direction notamment du concessionnaire français DAVELOUIS. Pièces de théâtre et concerts se multiplièrent. L’orchestre du Casino compta, à la fin du siècle, plus de 60 musiciens et fut dirigé notamment par Charles GOUNAUD et Camille SAINT SAÊNS.

Le Casino avait pourtant connu une grave crise avec la suppression des jeux en 1872. Cet arrêt, qui avait tout d’abord entraîné un marasme économique important, avait été contrebalancé en partie par le développement du thermalisme grâce à la construction de l’Etablissement des bains en 1868.

A partir de 1885, la loi fut peu à peu contournée et après l’affermage à un groupe français, on en revint pratiquement à la situation d’avant 1872.
Mais la question du jeu en Belgique n’était pas résolue. Un nouveau débat parlementaire provoqua la suppression totale des jeux le 24 octobre 1902 et porta un coup énorme à l’économie spadoise. Pour faire face à ce manque à gagner, la Ville de Spa entreprit de 1904 à 1910 une série de grands travaux qui furent confiés à Alban CHAMBON, l’architecte préféré de LEOPOLD II, auteur également de l’ancien Kursaal d’Ostende et de l’Hôtel Métropole de Bruxelles. En 1904, on démolit les maisons de la rue Royale qui occupaient les actuels Jardins du Casino ainsi que la façade du Casino qui avançait de plusieurs mètres l’alignement actuel de la chaussée. De 1905 à 1907, furent successivement construits la façade actuelle, qui est la reproduction – agrandie d’une travée – de la façade de 1784 ainsi que les salons de jeux décorés par BERCKMANS et les façades donnant sur les jardins du Casino (côté salon rose et salon bleu).

Mais le plus important de ces travaux fut la construction en 1908 du Kursaal, la salle des fêtes actuelle. Ce chantier gigantesque, d’une superficie de 2.000 m2, fut réalisé en 7 mois. La première pierre fut posée le 20 janvier 1908 et le bâtiment fut livré le 19 juillet 1908 à la Société des Bains, concessionnaire du Casino où l’on ne jouait plus depuis 1903.

Complètement détruite par un incendie en février 1909, 7 mois après son inauguration, la salle des fêtes, dont il ne restait que les murs extérieurs, fut reconstruite en 1910 et transformée en salle de spectacles avec scène, telle que nous la connaissons actuellement. Remarquable par ses vastes proportions, s’inspirant du théâtre de Versailles, la salle proprement dite, sans la scène, forme un carré de 40m de côté, promenoir y compris, avec un balcon en fer à cheval. De magnifiques fêtes s’y donnèrent et Spa put retrouver une partie de sa clientèle d’avant la suppression des jeux.

Puis vint la guerre de 1914/1918 avec l’occupation allemande. Spa, comme sous le régime napoléonien, devint un vaste hôpital de convalescence pour les blessés de guerre, allemands cette fois-ci. Le Casino fut occupé tout comme les hôtels et villas. Pour une raison inconnue, dans la nuit du 5 au 6 février 1917, le feu prit au rez-de-chaussée et détruisit la salle de jeux, la salle de bal et le théâtre. La salle de bal et le théâtre, oeuvres de Barthélemy DIGNEFFE rappelons le, dataient du XVIIIe siècle et avaient été conservés par l’architecte CHAMBON lors des transformations de 1906-1907.

Avec les différentes commissions d’armistice qui siégèrent à Spa en 1918-1919, (Spa avait été en 1918 la résidence de Guillaume II et du Grand Quartier Général allemand), l’après-guerre avec la Conférence diplomatique de juillet 1920, fut l’occasion d’une spectaculaire relance de la ville. De nombreuses festivités se déroulèrent au Casino et le jeu fut à nouveau autorisé dans quelques villes de Belgique, dont Spa évidemment.

Après différentes études où l’on envisagea de démolir le Casino et de le reconstruire à l’emplacement de l’Hôtel Radisson Palace, la décision fut prise de reconstruire les locaux incendiés. Cet important travail, qui allait durer jusqu’en 1929, fut confié aux architectes spadois Marcel HANSEN et Marcel PAES. On leur doit le réaménagement complet du Casino et de la salle des fêtes avec la restauration des salles de jeux du 1er étage, la construction des salons rose et bleu sur l’emplacement de la salle de bal de DIGNEFFE, et du petit théâtre en remplacement de l’ancien théâtre dont il s’inspire pour la décoration intérieure. Une entrée fut créée par la rue Servais, enfin prolongée jusqu’à l’église, qui donna un accès plus rationnel à la salle des fêtes, au théâtre et aux nouveaux salons.

Parmi les festivités de l’entre-deux-guerres, on faisait entre autres au Casino, les opérations de « pesage » des voitures de Grand Prix qui descendaient de Francorchamps à Spa dans un vacarme infernal. On peut relever aussi l’élection de Miss Univers en 1932.

A l’inverse de ce qui se passa en 1914, le Casino fonctionna pendant la seconde guerre mondiale, ce qui évita le chômage à une partie de la population.

En 1945, les locaux furent utilisés comme centre de récréation par la 1ère armée des Etats-Unis. Pendant cette période les jeux se déroulèrent dans le jardin d’hiver du Pouhon Pierre le Grand.

Puis en 1947, après de sérieuses réfections, le Casino fut rouvert. Des manifestations qui s’y déroulèrent jusqu’à présent, retenons un magnifique Festival de Musique à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1958. C’est alors que fut également créé l’actuel Festival de Théâtre. De 1964 à 1983 eut lieu le Festival de la Chanson française qui révéla nombre de jeunes chanteurs.

A partir de 1991, la gestion du Casino (salles de jeux) proprement dit a été séparée de celle des salles de spectacle (théâtre, salle des fêtes, salons bleu et gris). Ces dernières on été reprises par la Ville et concédées, en septembre 2004, au Centre culturel de Spa.

Une restauration complète des bâtiments a été entreprise et se poursuivra pendant plusieurs années, afin de rendre à l’ensemble son prestige d’antan.

Jean TOUSSAINT,
Président d’Histoire et Archéologie spadoises et du Musée de la Ville d’Eaux.